Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
BAIE DE TXINGUDI HENDAYE
21 septembre 2022

21/09/22 - LES BATEAUX SANS QUILLE DE LA RIVE DROITE DE LA BIDASSOA

220921 BATTELEKU 3

Aujourd’hui, les bateaux à fond plat tels que le Batteleku ou la trainière sont utilisés très régulièrement à Hendaye et sur toute la côte Basque. Grace à leur carène plane, ils possèdent des caractéristiques de glisse particulièrement appréciées des rameurs.

Ces bateaux sont directement issus de toute une gamme de navires traditionnels, plus ou moins grands, qui servaient essentiellement pour la pêche et le batelage. C’est cette rapidité qui a permis notamment la pêche au filet tournant. Un long filet était déposé verticalement autour du banc de poissons que l’on voulait piéger. Il fallait être très rapide et assez puissant pour réussir une opération qui ne pouvait se faire à la voile mais uniquement à la rame. Lorsque le cercle était fermé, on tirait alors sur un cordage spécifique qui refermait le filet par le bas formant une poche où tout le banc de poissons se retrouvait piégé. Le type de navire et d’équipage était proche de nos trainières actuelles. Le mot trainière vient d’ailleurs directement de ce lourd filet qu’il fallait traîner.

Mais il n’y a pas eu que la pêche, le batelage et le sport. Il est fort problable que les bateaux à fond plat d’Hendaye aient participé à une victoire maritime décisive contre les anglais, en 1627 à l'Ile de Ré.
oyenneMoyenne220921 ECUSSON HENDAYE

 

Petite

Moyenne

Mais avant de parler de ce fait historique, il convient de revenir plus de 100 ans en arrière pour expliquer une pratique très particulière de navigation qui existait sur la rive droite de la Bidassoa.
A cette époque, la propriété de la Bidassoa était revendiquée en totalité par Fontarrabie alors que les autorités françaises demandaient qu’elle soit partagée entre les deux royaumes. En 1510, une commission mixte franco-espagnole se réunit. Elle ne réussira pas à se prononcer sur ce point litigieux qui malheureusement restera problématique durant très longtemps. Il y eu, cependant, un accord à l’unanimité qui laissait aux habitants de la rive droite de la Bidassoa, le droit de naviguer sur des barques sans quille. De cette manière, Fontarrabie se réservait l’exclusivité d’un port de haute mer tout en laissant aux pêcheurs d’Hendaye la possibilité d’effectuer une pêche journalière sur de petits navires.

En 1599 , les habitants de la rive droite de la Bidassoa ont osé naviguer sur des bateaux à quille. Fontarrabie dénonce le fait au roi Philippe III d’Espagne qui admet, le cas échéant, pouvoir effectuer des tirs dans l’eau. Il faut donc croire que l’accord conclu en 1510 était fortement contrôlé.

Pour que cette question soit définitivement réglée, il fallu attendre le traité entre la France et l'Espagne pour déterminer la frontière depuis l'embouchure de la Bidassoa jusqu'au point où confinent le Département des Basses-Pyrénées, l'Aragon et la Navarre. Signé à Bayonne le 2 décembre 1856. "Article 21 : Les habitants de la rive droite, comme les habitants de la rive gauche, pourront librement passer et naviguer, avec toute sorte d'embarcations à quille ou sans quille, sur la rivière, à son embouchure et dans la rade du Figuier."


Ces bateaux à fond plat ont des caractéristiques qui leurs sont propres. Par vent arrière ou grand large, la carène plate glisse très bien et très vite sur l’eau. Par contre par vent de travers ou de face, les voiles deviennent inopérantes. Seuls les avirons peuvent alors être utilisés. Pour garantir le retour à terre en cas de changement rapide de la météo, deux conditions sont alors nécessaires ; un navire léger et un équipage aguerri capable de ramer plusieurs heures contre le vent.
D’autre part, ces navires à fond plat, même lourdement chargés, avaient très peu de tirant d’eau et une grande stabilité sur l’eau. Ils étaient régulièrement utilisés pour le transport de personnes et de marchandises entre Hendaye et Irun. Par contre en mer, cette stabilité cesse d’être un atout pour devenir un handicap. L’absence de quille rend la navigation très dangereuse dès que la mer forcit puisque le bateau ne peut pas effectuer de roulis au gré de la houle. S’engager en mer sur des bateaux à fond plat comporte des risques importants qu’il vaut mieux savoir bien apprécier.
Durant ces années, il s’est donc constitué à Hendaye, toute une flotte très particulière de navires sans quille qui sortaient pécher en mer chaque jour de beau temps. Il convient de noter que ce type de navigation n'a pû être que fortement  favorisé par la configuration géographique d'Hendaye, puisque que le Jaizquibel protège efficacement toute la Baie. L'accés à la mer en est grandement facilité. Bien sûr, les marins d’Hendaye n’avaient pas, l’exclusivité de ce type de navigation, mais il est certain qu’ils en avaient une très grande pratique.

En 1627, cette flotte particulière et ces équipages expérimentés sont partis vers l’Ile de Ré, pour participer à la levée du blocus anglais sur la citadelle de Saint-Martin.

En effet, au mois de juillet 1627 le duc de Buckingham, venait de débarquer avec 6000 hommes sur l’Ile de Ré. L’Angleterre voulait soutenir la place forte de la Rochelle qui était une ville protestante puissante et prospère. En parlant de la Rochelle le cardinal Richelieu disait « Il faut couper la tête du dragon ». Cela indique que la Rochelle était pour lui la plus importante des places fortes protestantes du royaume.

Sur l’Ile de Ré, le duc de Buckingham malgré ses 6000 hommes et plus de 100 navires, ne réussit pas à prendre la citadelle de Saint-Martin. Il installa donc un blocus sur terre et sur mer pour bloquer tout avitaillement. Il coula des navires devant l’entrée du port et constitua un barrage fait d’un enchevêtrement de cordages et de tonneaux qui bloquaient le passage. Au bout de quelques mois, la citadelle affamée était sur le point de capituler. Face aux anglais, Richelieu ne disposait d’aucun navire de guerre pour lever le blocus. Il envoya donc à Bayonne un émissaire pour acheter des pinasses avec équipages. Il en demanda 30 et n'en obtint que 15. En fait, c’était une opération commando composée d’une petite flotte de bateaux discrets, rapides et surtout sans tirant d’eau pour franchir le barrage de cordages anglais. Face à des bateaux anglais lourdement armés, la vitesse et la manœuvrabilité devaient être la clé du succès. Pourtant, engager des pinasses en mer sur une aussi longue distance était très risqué. Rien que le voyage, c’était déjà le plan de la dernière chance. Néanmoins, les récompenses promises étaient très fortes, à la hauteur du risque et de l’enjeu militaire. Les marins d’Hendaye furent de la partie.

Selon "Les Mémoires du Cardinal de Richelieu" (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65646916/f155.item), le Capitaine Valin arriva de Bayonne aux Sables-d'Olonne avec 16 pinasses. Le soir même chacune fut chargée de 50 tonneaux de farine, poix, fèves, biscuit et morue, 30 barils poudre avec quantités de mèches, de plomb et de médicaments.
Toujours selon les Mémoires du Cardinal Richelieu, Valin partit des Sables d'Olone à la nuit tombée vers six heure du soir : " Avec ses douze pinasses, il alla reconnaître l'ile du coté de la Baleine (extrémité Nord-Ouest), vers la mer sauvage ; puis, approchant de l'armée ennemie, ils déployèrent tous les grands voiles et furent incontinent découverts, n'étant pas à dix pas l'un de l'autre ; force coups de canon et mousquetades furent tirés sur eux, qui ne blessèrent personne, mais seulement coupèrent quelques mâts, rompirent quelques voiles et percèrent une pinasse. Quittant les grand vaisseaux, ils tombèrent au milieu des pataches, chaloupes et galiotes ennemis, qui étaient en grand nombre ; mais ils ne purent aborder les pinasses qui alloient trop vite et ne firent que tirer des mousquetades. Après cela, il rencontrèrent l'estacade que les ennemis avoient faites pour empêcher le passage ; plusieurs des pinasses passèrent au-dessus à cause de leur vitesse et que la mer étoit fort haute ; les autres se rencontrèrent aux endroits auxquels la tempête de la nuit précédente avait rompu les mâts et fait ouverture(...). Ils abordèrent l'ile à deux heures de nuit; n'étant qu'à deux cent pas près, ils furent aperçus du fort, où incontinent, on commença à crier : Vive le Roi ! Ils allèrent échouer à l'un des bastions de la citadelle et si avant que les ennemis ne pouvoient les endommager."

D'après ces écrits, il est possible de déduire certaines caractéristiques de ces navires. Tout d'abord le chargement embarqué et relativement conséquent. La dimension du navire devait donc être au moins de 10 mètres. Pour manoeuvrer efficacement, il faut au moins quatre bancs de nage plus un barreur soit au moins neuf personnes à bord. D'autre part, le fait que les voiles aient été hissées au dernier moment signifie que toute l'approche s'est faite uniquement à l'aviron. Enfin, il est fort probable que ces navires aient réussi à naviger à la fois à la voile et à l'aviron. Dans la pratique c'est assez difficile à réaliser mais c'est probablement cela qui a permis aux pinasses, bien que lourdement chargées, d'avoir une vitesse supérieure à tous les navires ennemis présents en grand nombre.

230919 PINASSE 1230919 PINASSE 2

 Sur la gravure ci-dessus, on peut voir le dispositif de blocus anglais.

1. Bateaux sentinelles anglais. Ce sont de les plus gros navires qui patrouillent tout autour de l'Ile de Ré. De nuit ils ne sont pas très efficaces. Ayant de grandes voiles déployées, il est possible aux pinasses, naviguant sans voile mais à l'aviron de les voir de loin et de s'écarter d'elles.

2. Vaisseaux anglais retenus l'un à l'autre par le moyen de grandes pièces de bois attachées attachées d'un navire à l'autre en forme d'escatade.

3. Vaisseaux anglais.

5. Les pinasses qui sont des bateaux couverts qui vont à rame.

6. Barques françaises.

En examinant plus précissément les pinasses (numéro 5) on contate qu'elles étaient pourvues de quatre paires d'aviron (soit 8 rameurs plus un barreur), que le navire était long et étroit avec une voile carrée à l'avant. C'est essentiellement un bateau d'avirons. Il est fort probable que ce soir là, le vent était faible et que l'usage des avirons ait été décisif. La poupe et la proue apparaissent très larges pour optimiser un chargement lourd. La poupe et la proue sont larges mais aussi assez hautes, ce qui prouve que dès leur conception, elles étaient prévues pour affronter la mer. Au vent arrière, avec un fond plat, ces bateaux devaient être extrêmement rapides et particulièrement manoeuvrants. Ce fut la clé de cette victoire maritime primordiale.

Toujours d'après Les Mémoires du Cardinal de Richelieu : "Deux jours après, le capitaine Valin partit à la marée de minuit avec toutes ses pinasses chargées de malades et blessés et de femmes catholiques que les ennemis avoient envoyés à la citadelle. Le Roi envoya une chaîne d'or de mille écus et 1300 écus pour les matelots des pinasses, et promis encore à Valin 4000 écus ou une compagnie au régiment de Navarre à son choix. Deux capitaines basques qui avoient bien fait, furent reconnus chacun d'une chaîne d'or et les matelots tous récompensés."

Le capitaine Valin avec ses douze pinasses revint à bon port. En forçant ainsi de nouveau le blocus anglais, il démontra la vulnérabilité de ce blocus mais aussi la supériorité des pinasses sur tous les autres navires ennemis, pour ce type d'opération. C'est exactement ce qui fut entrepris avec succès au mois d'octobre avec 35 navires qui réussirent, de nouveau, à sauver le fort de Saint Martin de la famine.


Quelques temps après, les troupes du roi de France débarquèrent sur l’Ile de Ré avec 6000 hommes et rejetèrent définitivement les anglais à la mer le 17 novembre 1627.

220921 RICHELIEUMoyenne

Immédiatement, Richelieu pu alors débuter la construction d’une digue bloquant la Rochelle qui devra capituler un an plus tard, le 28 octobre 1628.

 

A leur retour au Pays Basque, les marins construisirent la chapelle de SOCORRI à Urrugne comme ils s’y étaient engagés en remerciement à la vierge de leur avoir donné du vent alors qu’ils étaient bloqués et près d’être découverts par la flotte anglaise.Petite

220921 SOCORI

 

Les pinasses venaient de toute la côte basque mais le choix de ce lieu atteste bien le fait que les marins les plus vaillants étaient de cet endroit.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
BAIE DE TXINGUDI HENDAYE
BAIE DE TXINGUDI HENDAYE

La baie de Txingudi à Hendaye s'envase au fil des ans. Je m'appelle Jean-Pierre URIA. Je suis membre du club d'aviron Endaika et j'aimerais bien retrouver le plan d'eau tel qu'il était il y a une juste une vingtaine d'années.
Voir le profil de Jean-Pierre URIA sur le portail Canalblog

Publicité
Newsletter
Publicité