23/02/24 - HENDAYE ET L'ILE DES FAISANS

La commune d’Hendaye est délimitée géographiquement par deux lieux emblématiques indissociables de l’histoire et de l’identité Hendayaise; au Nord, Dunbarriak plus connus sous le nom des Deux-Jumeaux et au Sud, l’Ile des Faisans.

Sur cette petite ile au milieu de la Bidassoa se déroulèrent des événements historiques majeurs. Il y eu des rencontres royales, des échanges de princes, de princesses, de rois et de rançons. Mais surtout en 1659 fut signé sur cette ile, le Traité des Pyrénées qui mettait un point final à la terrible guerre des 30 ans qui dévasta toute l’Europe de 1618 à 1648 entraînant la mort de 4 à 7 millions de personnes. Le mariage de Louis XIV et de l’infante d’Espagne Marie-Thérèse marqua l’approbation des deux royaumes avec une solennité et un faste à la mesure de l’importance d’un des premiers traités européen.

A l’issue du mariage chacun rentra chez lui et Hendaye, après avoir été durant trois mois le centre du monde, retrouva, pour quelques temps, sa quiétude et une période de paix bien salutaire.

Peu de temps avant, en 1654, Anne d’Autriche, veuve du roi Louis XIII, régente du royaume pendant la minorité de son fils Louis XIV, avait donné à la paroisse Saint-Vincent le statut de communauté indépendante avec un Maire-abbé et 4 jurats. C’est la date officielle retenue pour la création de la commune. Mais ce n’était qu’un tout petit territoire d’environ 7 hectares autour de l’église et du Bas Quartier qui ne représentait quasiment rien, ni face à la grande commune d’Urrugne, ni surtout face à la puissante cité de Fontarrabie. Le traité des Pyrénées laissait de nombreux problèmes locaux non résolus. Il devient évident qu’il fallait à tout prix éviter qu’ils ne soient la source d’un nouvel enveniment des relations locales puis internationales.

C’est dans ce contexte qu’en 1667, l’Ile des Faisans sera de nouveau le lieu d’un événement très important. Il s’agit, de rien de moins, que de la signature de ce que l’on peut considérer comme l’un des documents fondateur de la commune d’Hendaye. Il fut signé, sous l’autorité du roi Louis XIV, par un certain Henry d’Artagnan, oncle du célèbre mousquetaire du Roi, dont s’inspira Alexandre Dumas. Il y est écrit en fin de document : «Fait dans la dite barraque de l’isle des faisans, située au milieu de la dite rivière Bidassoa, ledit jour vingt-sixième février mil six cent soixante sept. » Cette sentence fut agrée, approuvée et ratifiée par le roi Louis XIV le 25 janvier 1668.

Il convient de considérer ce document comme majeur sur la création d’Hendaye. Le lieu est particulier. L’ile des Faisans n’avait pas encore son statut de condominium. C’était un territoire disputé entre la France et l’Espagne. Il fut choisi pour la signature du traité des Pyrénées en tant que territoire "neutre". C’est pour cette même raison que d’Artagnan choisit de signer, de nouveau, ce document sur ces lieux. Les autorités espagnoles bien qu’invitées à participer à cet événement, ne se présentèrent pas. Ce texte n’est donc pas un traité puisque signé unilatéralement, mais il marque la position officielle française de la manière la plus formelle possible. Celle-ci ne pouvait donc pas être ignorée par l’Espagne. Le tracé de la frontière et les droits et usages définis par d’Artagnan deviendront définitifs.

SENTENCE ETABLIE PAR H. D'ARTAGNAN LE 26 FEVRIER 1667 SUR L'ILE DES FAISANS

Malheureusement, Urrugne n’appliqua pas les décisions royales et ne modifia pas son cadastre. La véritable raison est liée à l’histoire tragique d’Hendaye du 16ème au 19ème. La ville fut plusieurs fois dévastée. Ses archives brûlèrent avec le reste de la ville.

Il fallut donc attendre encore deux siècles pour que les frontières d’Hendaye soient reconnues par un jugement du 23 février 1863 de la Cours d’Appel de Pau donnant raison à Hendaye contre Urrugne sur certains territoires. A cette occasion, il fut rappelé par les Hendayais que Louis XIV aurait donné les Joncaux aux marins d’Hendaye en remerciement de leur vaillante participation à la levée du blocus de l’ile de Ré. On peut noter que ce récit aurait très bien pu être contesté par Urrugne, notamment à des fins de négociations pécuniaires, mais il n’en fut rien. Ce simple fait contribue à accroire la crédibilité de la présence d’une flottille de pinasses Hendayaises lors de cette bataille navale où il est avéré que les marins basques eurent un rôle décisif.

Enfin, le procès verbal du Conseil Général des Basses Pyrénées, dans sa cession du 31 août 1866 adopte les conclusions du rapporteur : « Il a basé son opinion sur les décisions judiciaires rendues en faveur de Hendaye au sujet du premier de ces territoires et la concession des Joncaux faite par Louis XIV, le 25 janvier 1668, aux habitants de Hendaye, ce qui n’a jamais été contesté par Urrugne. »

https://gallica.bnf.fr/a rk:/12148/bpt6k58341522/f372.image.r=archives%20departementales%20hendaye%20origine?rk=300430;4

« Ces terrains appelés Joncaux avaient été concédés, le 25 janvier 1668, aux habitants de Hendaye par le roi Louis XIV. Comment furent-ils réunis à la commune d’Urrugne et soumis à sa juridiction, c’est ce que j’ignore ; mais il résulte du rapport de M. le Sous-Préfet qu’ils appartiennent en entier à la commune d’Hendaye »

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58341522/f194.item.r=urrugne%20hendaye%20joncaux

Bien que tardivement, le texte établi par d’Artagnan est donc bien reconnu officiellement comme un document de base des premiers territoires d’Hendaye, avec une date le 26 février 1667 et un lieu, l’Ile des Faisans.

Au cours du temps, ce petit îlot de terre au milieu d’un estuaire marécageux fut fort heureusement consolidé par divers enrochements sans lesquels il aurait disparu. C’eût été bien dommage à plus d’un titre, car si l’ile des Faisans appartient à la Grande Histoire, elle est aussi particulièrement précieuse au cœur des Hendayais.